Cinq trucs à connaître pour mieux collimater son télescope

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Réaliser de bonnes images planétaires suppose de collimater son télescope avec la plus grande précision possible, sous peine de voir les performances de l’instrument s’effondrer. Toutefois, beaucoup d’observateurs trouvent souvent qu’il s’agit d’une opération difficile, fastidieuse, et au final, ils ne le font pas aussi souvent que nécessaire. Voici 5 « trucs » qui vous permettront de collimater avec plus de facilité et de précision :

decollim

1) Collimatez sur une étoile proche de la cible

C’est le premier conseil et il semble assez évident si le télescope est motorisé. Par exemple, si Mars est à côté de Spica, il faut collimater sur Spica ! Certains instruments ne conservent pas la collimation parfaitement surtout si on leur fait parcourir un déplacement important sur la voute céleste. Si on doit collimater plusieurs heures avant l’heure d’observation prévue (par exemple pour faire des observations au petit matin), on peut trouver une étoile proche de l’endroit où se trouvera la planète, puis aller se coucher ;). Cela économisera du temps au réveil !

2) Utilisez un filtre rouge

C’est certainement le meilleur conseil à retenir – si vous n’en retenez qu’un, choisissez celui-là ;). L’utilisation d’un filtre rouge (personnellement je me sers du R Astronomik) facilite grandement la collimation par les avantages suivants :

  • Le seeing est meilleur. En lumière rouge l’atmosphère est plus stable et cela facilite la visibilité de la figure d’Airy.
  • La figure d’Airy est un peu plus grosse qu’en pleine lumière blanche et cela aide à la distinguer
  • Il n’y a pas de dispersion atmosphérique. En lumière blanche et surtout si l’étoile n’est pas très haute, la figure d’Airy sera allongée nord-sud et les couleurs seront séparées comme le fait un prisme, ce qui gêne le réglage.
  • Les défauts optiques du télescope sont légèrement atténués. Les aberrations optiques peuvent diminuer votre capacité à distinguer la figure de diffraction

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Si le seeing est vraiment mauvais, il est possible d’utiliser un filtre rouge profond, comme le RG610 Baader ou le W25 ; ces verres apporteront les mêmes avantages de façon sensiblement accrue. Toutefois si le seeing est plutôt bon, il n’est pas forcément bon de se servir d’un tel filtre, car il risque de masquer de petits défauts d’alignement qui n’apparaîtraient par exemple qu’en lumière verte.

3) Mettez à profit les aberrations optiques près du foyer 

La plupart du temps, les télescopes, même s’ils sont bons, présentent des différences dans l’aspect des anneaux de diffraction selon que l’on regarde avant ou après le foyer (si ce n’est pas le cas, félicitations votre instrument est parfait et le point 3) ne vous concerne pas ;) ).

Quels que soient ces problèmes, l’idée est de collimater là où les anneaux de diffraction sont les plus contrastés. Cela aide considérablement la détection de petits problèmes d’alignement à faible distance du foyer. Quand on collimate, on ne va pas tout de suite tenter de regarder au foyer, on va procéder d’abord à des ajustements sur une étoile défocalisée, de plus en plus près du point focal. Ce conseil vaut donc pour les avant-dernières étapes (on se rappelera la page collimation de Thierry Legault).

A droite on trouve une simulation grâce à Aberrator 3 d’un télescope obstrué à 30 % avec un niveau raisonnable d’aberration destartestsimul sphéricité (plage intrafocale à gauche, extrafocale à droite) par une nuit de turbulence courante. La description précise de l’aberration de sphéricité n’est pas le sujet de l’article, mais sachez juste qu’elle se traduit par une répartition de la lumière au centre de la figure d’un côté du foyer, et d’une concentration sur les bords, à l’inverse, de l’autre côté. Il est évident que la présence d’un anneau lumineux très contrasté en extra ici va faciliter la détection d’un défaut de collimation même en présence de turbulence !

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La sphéricité est un défaut assez courant sur un instrument d’astronomie et il y a de bonnes « chances » pour que le votre le présente aussi. A gauche, voici une image d’un star test réel de mon ancien newton 180, qui montre le même défaut. A votre avis quel était le côté du foyer que je préférais pour collimater ?

Cette aberration est loin d’être la seule que l’on peut rencontrer, mais en général ces défauts de l’optique transforment la distribution de la lumière de chaque côté du foyer – à vous de trouver dans un tel cas lequel est le plus confortable pour vous.

Couplé à l’utilisation d’un filtre rouge, ce 3ème conseil est le plus utile pour le réglage, même (et surtout) quand le seeing n’est pas bon.

4) Collimatez directement avec la caméra

Dans certaines situations spéciales, la collimation directe avec la caméra en place peut être intéressante ou même hautement recommandée. Si vous prévoyez de faire des images de cibles difficiles comme Uranus ou Neptune, ce conseil est à mon avis presque indispensable, parce que sur des planètes aussi petites, les défauts d’alignement vont carrément se traduire en artefacts sur les images (et non plus seulement en perte de contraste ou de résolution).

Collimater avec la caméra apporte un avantage très intéressant : cela permet de faire des images de la figure d’Airy focalisée dans des situations où elle échapperait à l’oeil (turbulence). Il est par exemple possible de régler précisement un télescope de grand diamètre pour lequel le repérage de la figure d’Airy serait trop difficile à l’oculaire.

La méthode est simple : une fois que le setup d’imagerie est installé (il est pertinent de réaliser cette opération dans les mêmes conditions que la séquence de photographie qui va suivre), on insère un filtre rouge (conseil n°2), on focalise l’étoile choisie, et on lance une capture vidéo très courte (100, 200 images… en fonction de la turbulence), et on la traite immédiatement dans un logiciel (Registax 5 est parfait ici). Le logiciel va moyenner les images, égaliser la turbulence, et révéler la figure d’Airy focalisée.

Il est bon ici d’utiliser une étoile la plus brillante possible, car la caméra contrairement à l’oeil ne pourra être éblouie. Cela permet de fenêtrer l’image et d’utiliser des cadences de capture extrêmement rapides. Les corrections peuvent être apportées rapidement et le processus tout entier ne prend pas beaucoup de temps.

5) Quand aucune étoile n’est disponible…

Dans d’autres situations, la collimation sur une étoile n’est pas possible. Par exemple si on fait des images rapidement dans le crépuscule. Bien entendu, de nos jours un laser ou une cheshire peut suffire dans un tel cas, mais voici néanmoins quelques idées périphériques qui pourront vous aider un jour ou l’autre.

Ainsi si on veut observer Jupiter, il est possible de détecter et corriger de petits défauts de collimation en analysant l’image des satellites galiléens défocalisés. Ils ne permettent toutefois pas de corriger des défauts au foyer (car leur disque est plus grand que le pouvoir de résolution du télescope – sauf s’il fait moins de 150 mm). Il doit être possible d’agir de la même façon sur Saturne grâce à Titan, même si là je n’ai jamais fait l’expérience (par contre je contrôle toujours la collimation sur les Galiléens pour Jupiter).

Sur Uranus et Neptune, il est également possible de défocaliser leur petit disque pour vérifier qu’il n’y a pas de sérieux problème de décollimation. Leur disque apparent est plus grand que les lunes de Jupiter et la précision est donc encore moindre, mais un coup d’oeil en cours de mise au point n’est pas la moindre des sécurités sur ces objets très difficiles.

A ma connaissance il n’y a pas de tels « trucs » sur les autres planètes !

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