L’IMX462 pour l’imagerie planétaire infrarouge (III) : régler sa caméra

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Tout d’abord, commençons par ce qui ne change pas d’une autre utilisation de ce capteur (pour la couleur, par exemple) ou bien d’une autre caméra: la logique de réglage du temps d’exposition, du gain, la longueur des captures vidéos, ou bien l’utilisation de la dérotation… Tout ceci est à ajuster comme d’habitude, en fonction de l’objet photographié, des conditions, du filtre…

Seule la très grande sensibilité du capteur en IR peut faire évoluer les décisions du temps de capture pour le filtre le plus sensible à la lumière – celui qui transmet entièrement la partie monochrome – en réduisant l’intérêt de la dérotation. Ainsi, lorsque j’ai utilisé l’été dernier avec l’Astronomik 742 ou bien un filtre Johnson I, je me suis parfois contenté d’un film de 3 minutes donnant sur Jupiter des dizaines de milliers de brutes évitant d’avoir à recourir à la dérotation. Mais, pour les filtres CH4 ou 1 micron, la dérotation reste nécessaire voire indispensable.

Faut-il un correcteur de dispersion atmosphérique (ADC) ?
Une première interrogation concerne l’utilisation ou non d’un ADC toujours pour l’imagerie IR, on ne parle pas de la couleur ici. A moins que vous ne deviez vous servir de la caméra à des hauteurs extrêmement basses (moins de 15°, et encore) et avec un très gros télescope, clairement, le risque de voir la dispersion atmosphérique diminuer la qualité de l’image après 800 nanomètres peut être considérer comme nulle.

Transmission de l’ADC Pierro-Astro.

De plus, les ADC modernes présentent tous des traitements optimisés pour atteindre une haute transmission en lumière visible mais aussi dans l’ultraviolet, des longueurs d’onde qui sont bien plus affectées par le problème. Mais en conséquence, certains des modèles disponibles peuvent absorber de plus en plus d’infrarouge. Si cette absorption reste négligeable (de l’ordre de 10%) au début de l’IR à 700 nm, elle peut atteindre des valeurs de l’ordre de 20 à 30% ou plus après 800 nm (voir par exemple ci-dessus la courbe de transmission du par ailleurs excellent ADC Pierro-Astro). Considérant l’absence d’avantage au niveau de la dispersion, cela peut faire beaucoup de lumière perdue pour rien quand on utilise un filtre méthane, par exemple !

L’échantillonnage et le binning
Et ce, d’autant plus que l’utilisation d’un ADC va avoir un autre désavantage : comme il va être placé après la lentille de barlow, il va donc souvent augmenter le grandissement final, ce qui en IR profond, est souvent inutile. En effet, la résolution étant plus faible qu’en lumière visible, la longueur focale nécessaire pour exploiter la capacité du télescope s’en voit réduite d’autant. Si c’est possible, il faut donc chercher à utiliser une focale plus courte que lorsqu’on utilise la caméra en mode couleur. Une simple règle de 3 peut nous permettre de calculer le rapport F/D idéal. Si on part du calcul simple qui consiste à multiplier par 5 la taille du photosite de la caméra pour trouver le bon rapport F/D en lumière visible (soit ici environ 15), et qu’on utilise le rapport en longueur d’onde vert/IR, soit 500/900 ou 550/850, et qu’on multiplie ce rapport par 15… on trouve un rapport F/D idéal autour de 8/9. Autant dire qu’il serait tout à fait envisageable d’utiliser une IMX462 directement au foyer des instruments ouverts nativement à F/10 ou 12 sans crainte de perte. Sur la figure ci-dessous, on peut voir la taille et l’échantillonnage effectifs des images fournies par ma caméra ASI462MC avec les deux montages différents que j’utilise, pour le visible (barlow APM 2,7x+ADC Pierro Astro+roue à filtres), et pour l’infrarouge (idem, mais sans l’ADC). Le calcul en fonction de la longueur d’onde montre que même sans ADC, l’image est quand même suréchantillonnée !

Taille effective des images avec les deux montages, un pour le visible, l’autre pour l’infrarouge.

Avant l’arrivée du capteur IM462, la bonne pratique lorsqu’on utilisait un capteur n&b avec un filtre méthane consistait souvent à utiliser le même montage que pour la haute résolution en lumière visible, en passant la caméra en binning 2x. Ainsi on bénéficiait d’une image plus lumineuse et d’un échantillonnage correct. La très grande sensibilité de ce nouveau capteur permet de l’utiliser en binning 1x même en situation de (léger) suréchantillonnage. Maintenant, même si on déconseille souvent d’utiliser un capteur CMOS en binning, si on ne souhaite pas défaire son montage et que ce dernier est déjà suréchantillonné dans le visible, il ne faut pas craindre d’utiliser le binning 2x, tant qu’on reste bien sur la partie monochrome (sur la partie non monochrome du capteur, le binning provoque une perte de résolution).

Le réglage de la balance des « couleurs« 
Le capteur IMX462 étant un capteur couleur, mais utilisé sur sa partie monochrome, il convient de produire des images « en noir et blanc ». On va donc chercher à agir sur le gain de chaque pseudo-canal R, V et B de façon à faire disparaître toute teinte qui, de fait, serait artificielle. Il n’est pas forcément utile d’avoir une balance parfaitement neutre à l’acquisition (c’est parfois compliqué), dans tous les cas, et comme pour la balance des images en couleurs, il est nécessaire de l’ajuster en fin de traitement.

Jusque récemment, certains logiciels de capture de vidéo ne donnaient pas accès au réglage du gain vert, seulement en rouge et bleu ; ce qui pouvait avoir pour effet de produire des images fortement colorées en « pourpre ». Cette teinte vient de la sous-représentation du canal vert dans l’image:

Jupiter en bande méthane, image débayérisée, sans réglage du canal vert. Rouge et bleu sont proches du maximum.

Dans cette situation, il suffit de réhausser la valeur de vert lors du traitement pour se rapprocher d’une valeur neutre. Et ensuite, d’effectuer un passage en niveaux de gris réels.

Cependant, les logiciels de capture aujourd’hui permettent de plus en plus de régler le gain du canal vert avant la capture vidéo. Ce qui est préférable, car dans le cas inverse, la moitié des pixels du capteurs vont être lourdement sous-exposés ! Sur la partie monochrome, il est possible de déterminer quel est l’équilibre des trois gains qui donnent une image neutre. Dans la dernière version de Firecapture, le gain vert doit avoir une valeur égale au deux tiers du gain rouge et bleu, comme sur cette capture d’écran (75/50/75 ; en effet, le gain vert étant limité à 50, on ne peut pas avoir une image neutre si on place les gains R et B au-delà de 75):

Capture d’écran de Firecapture 2,7 qui montre quels sont les réglages qui donnent une teinte neutre sur une image en bande méthane.

Si on utilise un filtre qui déborde sur la partie non monochrome, il n’est plus possible de donner des valeurs fixes. Il faut tester, en gardant à l’esprit qu’à la capture il n’est pas indispensable d’avoir une neutralité parfaite : l’idée étant simplement d’éviter de sous-exposer les photosites « verts ». On pourra affiner lors du traitement, et ensuite, toujours, passer l’image en niveaux de gris.

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4 commentaires

  1. Christophe Pellier on

    Salut William, c’est une bonne question, j’avoue ne pas du tout savoir ni pourquoi le réglage n’était pas dispo avant, ni pourquoi tout à coup il le devient… J’imagine qu’il y a eu des demandes…
    La version 2,7 fonctionne bien. J’avais réussi à installer la caméra sur une des 2,6 antérieures, mais avec plusieurs manip, la caméra ne tournait pas d’emblée. Pas de regret parce qu’il y avait en plus un gros souci de cadence de capture.

  2. Salut Christophe, super intéressant, tu n’es jamais avare de conseils pour notre plus grand plaisir !
    Pour le réglage je me demande pourquoi le canal vert n’est pas activé par défaut ?
    Chez moi, curieusement la 462 ne fonctionne qu’avec la version BETA V270. de Firecapture.

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