L’IMX462 pour l’imagerie planétaire infrarouge: mon expérience (I)

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J’ai consacré une bonne partie de mes observations de Jupiter en 2021 à tester ce capteur prometteur pour l’imagerie planétaire dans le proche IR. Premier volet d’une enquête en trois parties !

Set typique d’images IR de Jupiter pris avec la caméra ASI462MC (télescope : Flextube 305 Skywatcher)

Plusieurs caméras du commerce sorties en 2020 sont équipées de ce capteur couleur qui a quelques caractéristiques novatrices – on se focalisera ici sur sa très grande sensibilité dans le proche infrarouge, c’est à dire les longueurs d’onde au-delà de 700 nanomètres. Vous pouvez lire sur ce blog un article général consacré à l’imagerie planétaire IR et les filtres dont on peut se servir… en sachant que tous ne conviendront pas complètement à ce nouveau capteur (mais ça, j’en parlerai dans le deuxième volet !).

La caméra que j’utilise est le modèle de chez ZWO – ASI462MC – mais d’autres marques vendent des modèles équipés de ce capteur (QHY, Player One…). Son arrivée dans mon équipement m’a conduit à revisiter mon équipement de filtres. J’ai identifié trois bandes potentiellement intéressantes, qui sont décrites dans le graphique ci-dessous qui les met en perspective avec le spectre de la planète Jupiter.

Le spectre de Jupiter est en vert ; les bandes CH4 sont indiquées avec la lettre M en vert également.

Ce sont:
1) Une bande IR large, qui couvre la partie monochrome du capteur, soit à partir de 800 nm environ. Trois filtres correspondent ici ; l’Astronomik IR807, le Sloan z’ (de chez Astrodon par exemple), ainsi que ceux qui débutent à 850 nm, comme le ZWO. L’intérêt ici est d’avoir une image la plus lumineuse possible, mais aussi, nettement plus stable en cas de forte turbulence. C’est le z’ dont je me suis servi.
2) La bande d’absorption du méthane à 890 nm dans l’atmosphère des planètes gazeuses. De haute valeur ajoutée car cela permet de visualiser l’altitude relative des nuages.
3) Et enfin, j’ai cherché à exploiter de manière plus régulière la toute fin de la sensibilité du capteur, autour de 1 micron. Les autres capteurs sont déjà pratiquement insensibles à cette longueur d’onde, mais le 462 peut encore répondre probablement à hauteur de 30 % environ. J’utilisais jusqu’à présent un RG1000 de Schött, pour le remplacer j’ai testé un filtre couvrant la bande Y (vendu par Astrodon). Il s’agit d’une bande photométrique conçue pour calculer des indices de couleur d’objets très rouges (comme des naines brunes ou rouges), mais il se trouve par hasard qu’elle est calée sur une autre bande d’absorption du méthane (et aussi, sur l’émission thermique de la surface de Vénus). Il est aujourd’hui possible d’acheter un tel filtre également chez Baader Planetarium, qui le nomme de façon erronée comme étant un  » y’ « , mais c’est bien un Y – en majuscule, le filtre ne fait pas partie du système SDSS à strictement parler.

La bande méthane à 890 nm: enfin une caméra qui déboîte!
C’est vraiment avec le filtre CH4 que ce capteur a dévoilé tout son intérêt. Sa sensibilité est bien plus élevée que les capteurs n&b, notamment celui qui équipe mon ASI290MM. Le résultat c’est que la caméra est utilisable à des cadences plus élevées… mais surtout en binning 1x, alors que la 290 profite mieux d’un binning 2x, sans pour autant aller plus vite en nombre d’images par seconde. Qu’il est loin le temps où je devais poser une demi-seconde pour obtenir une image brute avec ce filtre ! Ci-dessous une comparaison entre les deux caméras, avec exactement le même gain, temps d’exposition, et échantillonnage:

Jupiter au filtre CH4 avec les deux caméras et réglages identiques… La planète est presque invisible avec l’IMX290.

Il est toujours indispensable de faire une longue dérotation avec (10 à 15 minutes), mais les images sont bien nettes et beaucoup de détails apparaissent. Ci-dessous une de mes meilleures, avec l’oval BA, le 23 septembre 2021.

Jupiter avec le filtre CH4 Chroma Technology à l’ASI462MC, 23 septembre 2021

Les résultats en bande IR large
Là encore, le capteur tient sa promesse avec des cadences de capture très élevées et des images finales qui présentent une excellente dynamique. Le capteur noir et blanc est moins largué, mais la performance reste nette en faveur de l’IMX462. Ci-dessous, une comparaison sur une base différente, au même niveau d’histogramme, l’IMX462 est à 10 ms et gain 270, alors que l’IMX290 est à 15 ms et gain 350.

Les deux caméras au même niveau d’histogramme: cadence de capture et gain sont nettement plus favorables à l’IMX462.

Après 800 nm, Jupiter (et Saturne) montrent un contraste général un peu plus intense qu’avec les filtres qui transmettent autour de 700 nm. La raison est que (ça se voit bien sur le graphique) la partie du spectre de Jupiter qu’ils couvrent est légèrement affectée par l’absorption du méthane. En conséquence, on peut remarquer que les structures élevées comme la GTR ou BA sont déjà un peu plus brillants.

Jupiter en bande Z (Astrodon Sloan z’). Beaucoup de contraste, mais une image un peu empâtée par rapport au visible.

Ces filtres ont aussi pour caractéristique de calmer sérieusement la turbulence, ce qui peut être un avantage lors des nuits médiocres… mais également, de réduire de façon très nette la résolution du télescope, et ça, aucun capteur ne peut rien y faire. Malgré la sensibilité de l’IMX 462, ces filtres seront donc toujours en concurrence avec ceux qui commencent à 650 ou 700 nm. On les testera dans le deuxième volet de l’enquête :)

A 1 micron : beaucoup de performance, mais est-ce si intéressant ?
Enfin, les images en bande Y ont également été obtenues avec beaucoup de facilité, alors que l’IMX290 galère nettement plus. La comparaison cette fois est entièrement en défaveur du capteur n&b:
– IMX462MC : 35 ms, gain 300, histo 80%
– IMX290MM : 100 ms, gain 350, histo 50%

Les deux caméras avec le filtre Y / 1 micron.

Comme expliqué plus haut, ce filtre couvre aussi une zone spectrale d’absorption CH4 ; mais avec une bande passante beaucoup plus large que le filtre « méthane » habituel, ce qui a pour effet de réduire l’effet de contraste, puisque des parties plus importantes du spectre de Jupiter non absorbé sont transmises dans l’image. Le résultat est à mi-chemin entre CH4 et IR classique… bien que l’aspect soit assez différent pour susciter de la curiosité, mon expérience de cette année ne conclue toujours pas à un grand intérêt pour l’amateur de ce type d’observation, à moins d’entretenir des projets particuliers de comparaison comme le fait Antonio Cidadao).

Jupiter en bande Y (22 septembre 2021). Notez la ressemblance avec l’aspect méthane, en moins contrasté.

Dans le deuxième volet à venir : utilisation des filtres R+IR et IR « courts » avec l’IMX462MC.

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5 commentaires

  1. Bonjour Cricri,

    LA différence est flagrante en CH4 entre les deux imageurs, la sensibilité de imageurs ne cessent d’augmenter de générations en générations.
    Il serait intéressant dans une rétrospective de voir cette évolution entre deux extrêmes, sous différentes bande du spectre.

    Merci pour ces infos.

    Bon ciel planétaires !

  2. Christophe Pellier on

    Merci Christophe. Probablement entre Noël et le jour de l’an ! Bonnes fêtes de fin d’année en attendant :)

  3. Merci pour ces explications comme toujours très intéressantes et enrichissantes. Hâte de pouvoir lire la suite.

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