Spectre complet de Vénus commenté

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En utilisant la même approche que pour le spectre complet d’Uranus commenté, il est possible de comprendre beaucoup de choses sur le comportement des filtres utilisés pour la photographie de la planète Vénus…

Perçue comme uniformément blanche lorsqu’on l’observe dans un télescope, Vénus est une planète assez difficile à observer. On sait que c’est surtout dans les longueurs d’onde très courtes – ultraviolet, bleu profond – que l’on peut observer des détails assez contrastés. La spectroscopie peut nous permettre de visualiser concrètement pourquoi !

Comme toutes les planètes du système solaire, Vénus ne brille à nos yeux que parce qu’elle est éclairée par le Soleil. Ce qui signifie que lorsqu’on prend un spectre de Vénus, c’est en premier lieu un spectre du Soleil qu’on obtient… toutefois, des différences apparaissent quand on compare ce spectre du Soleil réfléchi par Vénus, avec un spectre direct de notre étoile. Et c’est là que ça devient intéressant !

Voici tout d’abord le « spectre de couleur » de Vénus, corrigé de la réponse instrumentale (c’est à dire le télescope, la caméra, le réseau du Star Analyzer) ainsi que de la transmission de notre propre atmosphère (cliquez ici pour une version pleine résolution) :

On distingue très clairement par cette comparaison relative, dans le spectre de Vénus (ligne bleue), le profil de celui du Soleil (ligne orange). Cependant, il y a quelques différences intéressantes. Passons sur les larges bandes d’absorption dues à notre propre atmosphère (Dioxygène et eau), dans le rouge profond. On voit nettement que les deux spectres sont nettement plus « écartés » dans le bleu profond que dans le visible, et que dans l’infrarouge. Cela signifie qu’à cet endroit, l’atmosphère de Vénus absorbe relativement plus la lumière du Soleil qu’ailleurs… C’est en effet là qu’agit un composé chimique inconnu souvent désigné comme « l’absorbeur UV » – encore que de récentes études pointent le rôle de polymères du dioxyde de soufre (SO2). C’est grâce à cela qu’on observe des détails contrastés en UV (image de droite).

Vénus en ultraviolet, photographiée le 17 janvier 2017. On voit des détails car la distribution de l’absorbeur UV n’est pas homogène ; il est particulièrement bien présent dans les régions tempérées et équatoriales, mais largement absent des régions polaires, qui apparaissent donc plus brillantes.

Voici une petite planche à présent qui montre le spectre de couleur de Vénus avec des images prises à différents endroits de ce spectre, le 25 mars 2020. On voit que seules les images UV et violet montrent des détails de façon significatives. Dans le visible (RGB) et en IR, l’absorption est à la fois plus faible et plus homogène, et les détails qu’on peut y observer sont très faiblement contrastés. Cliquez ici pour une version en pleine résolution

Enfin, il est possible d’isoler le spectre propre de Vénus de celui du Soleil. Cette opération est simple à faire en divisant le spectre brut de Vénus par le spectre brut d’une étoile de type solaire observée à la même masse d’air. Voici ce spectre:

Vénus en vraies couleurs (2012) : elle n’est pas blanche !

La courbe est assez simple, et c’est la raison pour laquelle nous voyons Vénus comme blanche: elle reflète presque parfaitement la lumière du Soleil (si la réflection était parfaite, le profil serait une ligne horizontale). Ce graphique met bien en évidence cependant la plus forte absorption de l’UV et du bleu profond. Comme avec le spectre de couleur, on voit que cette absorption se prolonge dans le bleu visible, quoique diminuée. Ceci montre que la couleur réelle de Vénus n’est pas un blanc pur, mais un très léger jaune, d’une saturation probablement impossible à percevoir en visuel, mais que l’imagerie numérique peut révéler dans la mesure où elle produit des teintes à la saturation rehaussée, comme le montrent les images ci-contre.

Prochain article : analyse en profondeur des filtres !

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